Un nouveau barman [Reika - Tora - Saga] -SUJET CLOS-

Enfin, le supérieur direct de Reika était parti. Ce type n'aimait pas son travail, faisant ça seulement parce que c'était bien payé mais le salaire n'était manifestement plus une motivation suffisante et depuis plusieurs semaines, le serveur enchaînait les heures pour assurer son travail à lui aussi, faisant les cocktails avant de les servir. Heureusement, il était relayé par quelqu'un d'autre pour la nuit, mais il travaillait tout de même beaucoup.
Mais la veille, il était enfin parti et aujourd'hui arrivait son remplaçant. Yoshiki lui avait décrit quelqu'un de jeune, de dynamique et de motivé et Reika était impatient de le rencontrer.

Il arriva plus tôt ce matin là, le bar avait été exceptionnellement fermé cette nuit et il commençait donc à 9h. Mais à 8h, le serveur était déjà sur le pied de guerre, nettoyant le bar, la vaisselle et les machines consciencieusement comme il avait l'habitude de le faire.
Il avait déjà astiqué la salle et les tables et l'espace était rutilant quand il vit arriver Yoshiki avec son nouveau responsable.

"Reika, je te présente Tora, notre nouveau barman. Tora, Reika est le serveur ici, enfin, pendant la journée mais il fait toujours des heures en plus, tu pourras compter sur lui."

Ravi du compliment, le jeune homme s'inclina, remerciant Yoshiki avant de saluer le nouveau barman. Effectivement, ça changeait de son ancien patron, vieux et bedonnant !

C'était aujourd'hui que Tora devait commencer son nouveau job en tant que barman au Velvet. Se préparant avec attention - il aimait être toujours présentable, même s'il était loin d'être coquet - il partit de bonne heure pour arriver un peu en avance. Ca ne le faisait pas d'arriver en retard dès son premier jour de boulot. Il fut accueilli par Yoshiki en personne qui l'entraîna tout en discutant vers le bar, rejoignant un jeune homme déjà en train de s'afférer derrière le comptoir.

"Reika, je te présente Tora, notre nouveau barman. Tora, Reika est le serveur ici, enfin, pendant la journée mais il fait toujours des heures en plus, tu pourras compter sur lui."

"Oh, je vois" déclara-t-il à Yoshiki avant de s'avancer vers son nouveau collègue, la main tendue, un sourire amical sur les lèvres. "Salut Reika! J'espère que nous ferons du bon boulot ensemble!"

Il le détailla rapidement. Il était plutôt beau garçon, avec ses cheveux tirés en arrière, son visage assez fin malgré sa mâchoire carré et ses yeux rieurs. Mais plus important, il semblait de prime abord travailleur et sympathique, tout ce qu'il appréciait chez quelqu'un avec qui il était amené à travailler. Il restait à voir si ses premières impressions se confirmeraient par la suite.

"Oh, je vois. Salut Reika! J'espère que nous ferons du bon boulot ensemble!"

Il lui rendit son sourire, ravi de cette première impression.

"Je n'ai aucun doute là dessus !"

Yoshiki sourit, avant de reprendre :

"Je vous laisse. Reika, je compte sur toi pour accueillir Tora comme il se doit, pour lui montrer le bar et lui parler un peu du fonctionnement du Velvet."

Le plus jeune hocha la tête et le patron repartit à son travail, laissant les deux jeunes gens ensemble.

"Je suis content de voir quelqu'un de nouveau arriver... L'ancien barman était un vieux dépressif démotivé qui ne faisait rien... Ca fait des mois que je vais le travail de deux personnes à moi tout seul..."

Il lui montra un peu les divers rangement derrière le bar, la réserve qui se trouvait dans la pièce juste derrière, le fonctionnement de la caisse, des machines.

"Tu verras... C'est vraiment chouette de travailler ici. Les employés sont des gens intéressants, il y a rarement des vagues de monde très importantes, alors on a le temps de discuter avec tout le monde et c'est vraiment instructif!"

"Je n'ai aucun doute là dessus !"

Il avait plutôt l'air content et motivé, ce qui plut immédiatement à Tora.

"Je vous laisse. Reika, je compte sur toi pour accueillir Tora comme il se doit, pour lui montrer le bar et lui parler un peu du fonctionnement du Velvet."

"Okay! Merci beaucoup patron!"

Il était assez content d'avoir obtenu ce poste. Le directeur avait l'air vraiment compréhensif et à l'écoute, et Reika plutôt sympa. Il aimait l'ambiance du lieu, tout était propre, bien aménagé, et la déco plutôt attrayante. La musique de fond lui plaisait bien aussi. Finalement, peut-être qu'il s'y plairait plus qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Mais le jeune serveur le tira bien vite de ses réflexions.

"Je suis content de voir quelqu'un de nouveau arriver... L'ancien barman était un vieux dépressif démotivé qui ne faisait rien... Ca fait des mois que je vais le travail de deux personnes à moi tout seul..."

"Wow. J'imagine que ça devait pas être marrant tous les jours. Mais t'inquiète, je vais reprendre les choses en main, tu vas pouvoir souffler un peu. J'ai pas pour habitude de me reposer sur mes lauriers."

Reika lui montra ensuite les lieux, le mettant au courant de tout ce qu'il devait savoir pour reprendre en main le bar.

"Tu verras... C'est vraiment chouette de travailler ici. Les employés sont des gens intéressants, il y a rarement des vagues de monde très importantes, alors on a le temps de discuter avec tout le monde et c'est vraiment instructif!"

"Ah ouais? Instructif?" répéta-t-il en haussant un sourcil, peu convaincu "Je me demande ce qu'il peut bien y avoir d'instructif à parler avec des putes. A part d'histoires de cul en tout genre, je vois pas trop de quoi vous pouvez bien parler..." lança-t-il ironiquement.

"Wow. J'imagine que ça devait pas être marrant tous les jours. Mais t'inquiète, je vais reprendre les choses en main, tu vas pouvoir souffler un peu. J'ai pas pour habitude de me reposer sur mes lauriers."

"C'est cool ! J'avais vraiment hâte d'avoir un vrai partenaire de travail!"

"Ah ouais? Instructif? Je me demande ce qu'il peut bien y avoir d'instructif à parler avec des putes. A part d'histoires de cul en tout genre, je vois pas trop de quoi vous pouvez bien parler..."

Reika haussa les épaules, tout en rangeant les verres qu'il venait de sécher dans le placard.

"Il y en a qui sont comme ça, évidemment. Mais certains ont des passés lourds, compliqués. Ils ont eu une vie difficile et peuvent parler d'expériences, j'aime bien les écouter et essayer de les conseiller, parfois."

Il sécha son plan de travail et reprit :

"Tu bossais où avant? Comment t'es arrivé ici?"

"C'est cool ! J'avais vraiment hâte d'avoir un vrai partenaire de travail!"

Tora était réellement content d'être tombé sur quelqu'un comme lui. Car il avait aussi pu faire l'expérience de serveurs paresseux qui n'en foutaient pas une, et c'était à lui de se coltiner tout le travail.

"Il y en a qui sont comme ça, évidemment. Mais certains ont des passés lourds, compliqués. Ils ont eu une vie difficile et peuvent parler d'expériences, j'aime bien les écouter et essayer de les conseiller, parfois."

"Hum... tant mieux si tu t'entends bien avec les autres employés d'ici. Moi je t'avouerais que j'ai un peu de mal avec ça. Le fait de donner son corps à un inconnu, juste contre de l'argent. Je préférerais encore crever sur le trottoir que de proposer mes services à quelqu'un. Après c'est un choix, je le respecte. Mais ça me répugne."

Et il n'était vraiment pas pressé de voir débarquer tout ce petit monde à son bar.

"Tu bossais où avant? Comment t'es arrivé ici?"

Il s'assit sur le tabouret haut et résuma, tout en jouant avec un décapsuleur:

"J'étais au Medaka, un bar à Harajuku, entre un resto français et un tatoueur, je sais pas si tu vois. C'était sympa, mais ils ont réduit les effectifs. Et visiblement, ils ont préféré garder mon collègue plutôt que moi. Tant pis hein! C'était il y a plusieurs mois. Du coup j'ai cherché un autre taff, mais en ce moment c'est un peu la saison creuse, et j'ai rien trouvé, jusqu'à tomber sur une annonce du Velvet. Quand j'ai vu que c'était un bordel, ça m'a refroidi. Et puis, je me suis dit que je pouvais pas me permettre de faire le difficile, j'ai pas des masses d'économies, j'ai un loyer à payer, des factures... alors j'ai postulé. Et me voilà!" conclut-il en souriant. "Et toi alors? ça fait longtemps que t'es ici? Quelques mois, c'est ça?"

"Hum... tant mieux si tu t'entends bien avec les autres employés d'ici. Moi je t'avouerais que j'ai un peu de mal avec ça. Le fait de donner son corps à un inconnu, juste contre de l'argent. Je préférerais encore crever sur le trottoir que de proposer mes services à quelqu'un. Après c'est un choix, je le respecte. Mais ça me répugne."

"Pour ça, je suis d'accord... Mais ce n'est pas tant leur travail dont je parle, simplement leur vie. J'ai pas vu grand chose, à part le quartier modeste où j'ai grandis, alors, j'apprends beaucoup en les écoutant parler de leur passé."

Il l'écouta lui résumer son ancien travail et hocha la tête. Oui, il avait entendu parler du fait que pas mal de restaurants et bars fermaient ces derniers temps. Il y avait de plus en plus de gros clubs qui ouvraient sur Tokyo, qui faisaient de l'ombre aux petits commerces.

"Et toi alors? ça fait longtemps que t'es ici? Quelques mois, c'est ça?"

"Ca va bientôt faire six mois. Yoshiki est vraiment un bon patron et les studios qu'il fournit aux employés sont vraiment sympa, il t'a montré déjà? Ou peut être que tu ne veux pas vivre sur place."

Il avait parlé d'un loyer à payer, il voulait sans doute rester chez lui.

"Pour ça, je suis d'accord... Mais ce n'est pas tant leur travail dont je parle, simplement leur vie. J'ai pas vu grand chose, à part le quartier modeste où j'ai grandis, alors, j'apprends beaucoup en les écoutant parler de leur passé."

"Ouais, je peux comprendre..."

Il imaginait bien que ceux qui travaillaient ici n'était certainement pas des gens pour qui tout avait sourit dans la vie et qui avait fait le choix de devenir prostitué par pur plaisir et engouement pour ce métier. Ca devait être de pauvres gosses paumés, orphelins, ou qui avaient mal tourné et se retrouvaient sans rien. C'était tout de même triste, d'en arriver à de telles extrémités.

"Ca va bientôt faire six mois. Yoshiki est vraiment un bon patron et les studios qu'il fournit aux employés sont vraiment sympa, il t'a montré déjà? Ou peut être que tu ne veux pas vivre sur place."

"J'aime bien le patron, ça m'a l'air d'être un mec honnête. C'est aussi ce qui a achevé de me décider, quand je suis venu faire mon entretien. Il m'a montré les studios oui, mais j'ai déjà mon petit appart à Shibuya, à cinq minutes d'ici à peine, alors j'ai préféré le garder."

Et puis, il préférait ne pas trop s'intégrer à la vie du bordel. Y travailler en tant que barman, éventuellement. Mais de là à aller jusqu'à s'y installer, c'était hors de question!

"J'aime bien le patron, ça m'a l'air d'être un mec honnête. C'est aussi ce qui a achevé de me décider, quand je suis venu faire mon entretien. Il m'a montré les studios oui, mais j'ai déjà mon petit appart à Shibuya, à cinq minutes d'ici à peine, alors j'ai préféré le garder."

"Ah, oui. Je te comprends. Moi j'ai sauté sur l'occasion, j'ai vraiment pas les moyens de me payer un loyer..."

Ils discutèrent encore un moment, Reika montrant les diverses recettes de cocktails qu'ils avaient déjà, l'invitant à en créer de nouveaux. Lui même en avait rajouté sur la carte à son arrivée et il trouvait ça sympa de varier les choses assez souvent. Il lui parla aussi du côté nourriture. Il faisait les plats du jour lui même. Il décidait ce qu'il voulait la veille, passait la commande auprès de Yoshiki qui lui fournissait les ingrédients pour le lendemain et il faisait sa cuisine. En revanche, les pizzas et les burgers étaient surgelés, alors il lui proposa d'essayer de faire quelque chose, lui aussi, s'il le voulait.
Reika était particulièrement volubile. Il aimait ce bar et cet environnement qu'il s'était créé, la place qu'il s'y était faite et il en parlait avec passion.

Ils furent interrompus par Uruha et Hiroto, qui venaient d'entrer dans le bar, leur demandant deux verres que Reika leur servit, faisant les présentations entre eux et Tora. Uruha ne manqua pas de le gratifier d'un clin d'oeil et ils firent demi tour.

"Uruha fait partie de ceux qui sont là parce qu'ils l'ont choisi. Il est le numéro 1 et il est un peu spécial..."

Saga entra ensuite, s'installant simplement dans un coin avec ses écouteurs sur les oreilles, sans prêter attention aux deux hommes. Lorsqu'il faisait ça, c'était qu'il venait d'en finir avec un client et que ça ne s'était pas forcément bien passé, aussi Reika ne fit-il aucun geste dans sa direction, il commençait à le connaître.

Reika se montra très bavard et continua de lui expliquer le fonctionnement de l'établissement. Il l'informa alors qu'ils proposaient également des repas et l'incita même à cuisiner lui aussi. Mais le barman était déjà bien incapable de se cuisiner un repas correct pour lui même, alors il ne se voyait absolument pas assumer la confection d'un plat pour tout un groupe. Il risquait ou bien de faire fuir les clients, ou bien d'en empoisonner quelques uns. Aussi préférait-il laisser ce soin à quelqu'un de plus compétent dans le domaine.

La journée s'écoula rapidement, rythmée par leurs discussions incessantes, quand les employés commencèrent à faire leur apparition, descendant au bar pour prendre un verre et se retrouver dans la salle pour faire une pause, discutant tranquillement en attendant qu'un nouveau client se manifeste.

Deux hommes vinrent ainsi au bar habillés de tenues aguichante pour l'un, sexy pour l'autre, et Tora les dévisagea rapidement d'un oeil désapprobateur, esquissant une moue écœurée au clin d'oeil d'Uruha.

"Uruha fait partie de ceux qui sont là parce qu'ils l'ont choisi. Il est le numéro 1 et il est un peu spécial..."

"Absolument tout ce que je n'aime pas... la pute par excellence" grogna-t-il "Il aura beau me faire tous les clins d'oeil du monde, il a aucune chance. Je suis pas homo."

Il parcourut alors la salle des yeux, vérifiant que personne n'attende son verre. Il n'avait même pas prêté attention au fait que ce bordel soit spécialisé dans les relations homosexuelles, seul le principe de se prostituer lui faisait horreur, pas l'homosexualité. Ce n'était pas plus mal qu'il ne soit pas gay, au moins ça éviterait qu'on lui tourne trop autour ici, une fois qu'il l'aurait bien fait intégrer à tout le monde. Car il se considérait bien comme hétéro, même si sa toute première fois avait été avec un homme. Cela remontait à bien longtemps, à ses années lycées, avec ...

Il se figea net, le regard fixé sur un homme assis dans un coin, seul. Ce profil, il l'aurait reconnu entre tous, malgré le nombre d'années qui s'étaient écoulées. Ce visage fin, ce nez allongé, cette silhouette filiforme... Il était sûr de ne pas se tromper. Et pourtant, il espérait de tout coeur faire une erreur. Il n'aurait jamais cru le revoir un jour, et surtout, il n'aurait jamais pensé le retrouver... ici.

Jetant son torchon sur le comptoir, abandonnant Reika sans un mot, il se dirigea vers la table pour en avoir le coeur net. Arrivé auprès de l'homme, il effleura son épaule, et celui-ci retira ses écouteurs en levant son regard sur lui, s'attendant sûrement à un client.

Tora plongea alors ses yeux dans les siens. Il en était certain. Jamais il n'aurait oublié son regard qu'il avait croisé tant de fois. Plus d'une fois il avait imaginé leurs retrouvailles. Ils auraient pu se croiser dans un centre commercial, au détour d'une galerie. Ou dans un parc, partageant le même banc. Ils se seraient reconnus, se seraient souri, tous les souvenirs de leurs journées mémorables remontant à la surface. Ils se seraient pris dans les bras, pour une étreinte émouvante. Ils seraient allés boire un verre ensuite, pour se raconter ce qu'ils étaient devenus après tant d'années. Ils auraient échangé leur numéro, et se seraient revus. Mais jamais, jamais une seule seconde il n'avait imaginé le retrouver dans un bordel. En tant que prostitué.

Bouleversé, il souffla alors:

"Je n'aurais jamais pensé que tu tomberais aussi bas, Saga. Tu me dégoûtes."

"Absolument tout ce que je n'aime pas... la pute par excellence Il aura beau me faire tous les clins d'oeil du monde, il a aucune chance. Je suis pas homo."

Reika ricana, amusé par cette réaction.

"Uruha est comme ça avec tout le monde, il ne faut pas y faire attention. Il n'est pas méchant."

Reika était en train de faire cuire la viande de son plat du jour lorsque les yeux de Tora se posèrent sur Saga. Et sans un mot, il partit dans sa direction, faisant hausser un sourcil à Reika. Pourquoi tout le monde lui faussait compagnie pour lui? Entre Kouki quelques jours auparavant et maintenant Tora, ils se connaissaient tous?

***

Saga était plongé dans sa musique, dans ses pensées, seule échappatoire qu'il pouvait trouver à la vie qu'il menait et qui ne lui convenait pas. Il savait que Reika le laisserait tranquille, que personne ne viendrait lui poser de question et pourtant, il sentit une main se poser sur son épaule. Sursautant, il retira un écouteur et se retourna, s'apprêtant à renvoyer balader l'importun, s'interrompant en reconnaissant la personne en face de lui, ses lèvres s'entrouvrant sous la surprise.
Pourquoi... Pourquoi fallait-il que son passé le poursuive à ce point ? En à peine une semaine, il venait de retrouver ses deux anciens meilleurs amis, dans le pire endroit possible.

"Je n'aurais jamais pensé que tu tomberais aussi bas, Saga. Tu me dégoûtes."

Autant la réaction de Kouki l'avait dérangé et agacé, autant celle de Tora lui creva le coeur. Comment pouvait-il balancer ça comme ça?

"C'est tout ce que tu trouves à dire... Après toutes ces années?"[b]

Il avisa Reika qui les regardait et reporta son attention sur Tora.

[b]"Ah, c'est toi le nouveau barman, hein? Félicitations, tu as réussi à avoir un travail décent. Désolé pour toi, il faudra que tu fasses avec moi, ici."

Il remit son écouteur et s'alluma une cigarette. Il allait le voir tous les jours alors? Il avait refusé de renouer avec Kouki, qui lui, cherchait son amitié. Tora ne semblait pas partager cette envie et pourtant, c'est lui qui allait partager son lieu de travail. Décidément, le sort s'acharnait sur Saga...

Visiblement, Saga était tout aussi surpris de le retrouver ici-même. Bouche bée, il reprit néanmoins rapidement contenance, l'air profondément blessé, avant de lui faire un reproche.

"C'est tout ce que tu trouves à dire... Après toutes ces années?"

"Tu voulais que je dise quoi? "Oh, Salut, ça fait un bail, comment tu vas?". Sérieusement Saga! Si je t'avais croisé par hasard dans la rue, ouais, c'est sans doute comme ça que ça se serait passé. Mais... putain! J'ai plus de nouvelles de toi depuis plus de cinq ans et je te retrouve prostitué!" s'exclama-t-il d'un air choqué, continuant de le dévisager comme s'il n'arrivait toujours pas à réaliser que c'était bien lui.

"Ah, c'est toi le nouveau barman, hein? Félicitations, tu as réussi à avoir un travail décent. Désolé pour toi, il faudra que tu fasses avec moi, ici."

"Ouais, c'est moi. Et crois-moi, c'est pas de gaieté de coeur que j'ai accepté ce job ici!"

Saga lui signifia alors que la discussion était close en remettant son écouteur, s'allumant une cigarette tout en l'ignorant. Mais le brun n'en avait pas fini avec lui, loin de là. Il attrapa alors son bras un peu rudement, le forçant à se lever.

"Faut qu'on parle. Emmène-moi dans un coin tranquille, je connais pas encore le bâtiment."

"Ouais, c'est moi. Et crois-moi, c'est pas de gaieté de coeur que j'ai accepté ce job ici!"

"Parce que tu crois que moi, j'ai sauté de joie?" grogna-t-il avec mauvaise humeur. "Estime-toi heureux d'être au bar."

Il s'était retourné, refusant de parler davantage avec Tora. Ses premiers mots à son encontre lui avaient fait mal. Lui aussi, il se dégoûtait, mais il n'avait pas besoin de l'entendre de la part d'un type qui avait été son meilleur ami pendant plusieurs années. Il arrivait un peu à comprendre ce qu'avait dut ressentir Kouki, quand il l'avait jeté quelques jours avant... Il aurait peut-être du accepter de lui parler.

Mais apparemment, Tora aussi voulait parler. Il lui attrapa le bras, le tirant pour qu'il se lève et Saga lui lança un regard noir, coupant son mp3 cette fois.

"Faut qu'on parle. Emmène-moi dans un coin tranquille, je connais pas encore le bâtiment."

"Parler ? Je croyais que je te dégoûtais..." lui rappela-t-il en le regardant froidement.

Il se dirigea cependant vers son studio. Comme Kouki, c'est là qu'il emmènerait Tora, c'était le seul endroit où ils pouvaient être réellement tranquilles pour discuter.

"Parce que tu crois que moi, j'ai sauté de joie? Estime-toi heureux d'être au bar."

Saga avait l'air fortement agacé, mais Tora n'y prit pas garde et répliqua, le regard dur:

"On a toujours le choix, dans la vie, Saga. Quelqu'un t'as mis un couteau sous la gorge pour que tu fasses ce boulot? Non, hein? Alors t'aurais pu faire n'importe quoi d'autre, t'étais doué pour plein de trucs. Regarde moi, qui n'avais pas de grandes facultés, j'ai bien réussi à me démerder. Alors fais pas la victime."

"Parler ? Je croyais que je te dégoûtais..."

Il soutint son regard, ne se démontant pas face à lui, même si ce qu'il voyait dans ses yeux le mettait mal à l'aise. Il n'avait pas connu Saga ainsi. Qu'est-ce que ce lieu avait fait de lui bon sang? Où était passé le Saga qu'il avait connu? Malgré tout, le châtain se leva et l'entraîna dans les couloirs, montant plusieurs étages avant de pousser une porte et le laisser rentrer. Tora parcourut le studio du regard. Alors c'était ici qu'il logeait? C'était tout à fait acceptable mais... il aurait vraiment imaginer Saga vivre dans de meilleures conditions que celles dont il bénéficiait actuellement.

Il le suivit jusqu'à la chambre, le suivant du regard quand il s'assit sur le lit, restant debout devant lui à le fixer avec incompréhension, n'arrivant toujours pas à se faire à l'idée qu'il travaillait ici, avant de lancer:

"Putain Saga... Mais pourquoi t'as foutu ta vie en l'air comme ça! Qu'est-ce qu'il t'est passé dans la tête pour penser une seule seconde à faire ce taff! Pendant tout ce temps, je te croyais en train d'étudier à ton école, de vivre ta passion! Dès que j'entendais parler d'un nouveau groupe, d'un musicien en train de percer, je priais pour te voir! Et v'là où je te retrouve! Mais qu'est-ce que t'as foutu?!" brailla-t-il tout en s'agitant devant lui, n'arrivant pas à tenir en place, trop affecté par ces retrouvailles inattendues et décevantes. Il finit par se planter devant lui, se radoucissant quelque peu. "Et tes parents? Eux qui t'ont toujours soutenu et accompagné? T'as pensé un peu à eux? Ils sont contents de voir dans quoi t'es tombé?"

Il ne pouvait pas croire qu'il faisait ça par plaisir, ni que ses parents avaient accepté son choix. Ils étaient tolérants, oui, mais aucun parent ne laisserait son fils se prostituer!

"On a toujours le choix, dans la vie, Saga. Quelqu'un t'as mis un couteau sous la gorge pour que tu fasses ce boulot? Non, hein? Alors t'aurais pu faire n'importe quoi d'autre, t'étais doué pour plein de trucs. Regarde moi, qui n'avais pas de grandes facultés, j'ai bien réussi à me démerder. Alors fais pas la victime."

"Tu connais beaucoup de boulots qui accordent une chance à quelqu'un qui a passé plus d'un an à l'hôpital? Quelqu'un de dépressif qui a abandonné ses études au milieu? Crois-moi, j'ai cherché. Et il a bien fallu que je vive."

Une fois dans son studio, il vit Tora regarder autour de lui. Bon, ce n'était pas le grand luxe, mais cet appartement était tout de même tout à fait convenable.

"Putain Saga... Mais pourquoi t'as foutu ta vie en l'air comme ça! Qu'est-ce qu'il t'est passé dans la tête pour penser une seule seconde à faire ce taff! Pendant tout ce temps, je te croyais en train d'étudier à ton école, de vivre ta passion! Dès que j'entendais parler d'un nouveau groupe, d'un musicien en train de percer, je priais pour te voir! Et v'là où je te retrouve! Mais qu'est-ce que t'as foutu?!"

"On appelle ça les aléas de la vie, Tora. Moi aussi, je préférerais vivre de la musique... Mais j'ai fais ce que je pouvais avec les coups durs qui me sont tombés dessus."

"Et tes parents? Eux qui t'ont toujours soutenu et accompagné? T'as pensé un peu à eux? Ils sont contents de voir dans quoi t'es tombé?"

Un voile de tristesse passa devant ses yeux, qu'il baissa sur ses genoux. Evidemment, lui, il les avait bien connu ses parents.

"Ils sont morts mes parents. Un accident de voiture, pendant mes études. Je n'ai pas tout abandonné pour rien."

"Tu connais beaucoup de boulots qui accordent une chance à quelqu'un qui a passé plus d'un an à l'hôpital? Quelqu'un de dépressif qui a abandonné ses études au milieu? Crois-moi, j'ai cherché. Et il a bien fallu que je vive."

"De... dépressif?!" répéta-t-il d'un air hébété.

Depuis quand Saga était dépressif? Bon, quand il le connaissait il ne respirait pas non plus la joie de vivre et avait toujours été un peu réservé et... bizarre? Mais pas dépressif! Alors pourquoi avait-il basculé dans cette merde? Qu'est-ce qu'il s'était passé pendant toutes ces années de silence?

"C'est pas un truc que t'es obligé de mentionner dans tes CV. Et les combinis, les bars, ils s'en foutent, des études, du moment que tu présentes bien et que t'es sérieux. Alors... c'est pour ça que t'as cessé de me donner des nouvelles? T'as pas pensé que j'aurais pu t'aider à pas t'enfoncer là-dedans?"

"On appelle ça les aléas de la vie, Tora. Moi aussi, je préférerais vivre de la musique... Mais j'ai fais ce que je pouvais avec les coups durs qui me sont tombés dessus."

Tora ne comprenait plus rien. De quoi il parlait? Sa vie avait toujours été la plus parfaite qui soit! Il avait toujours tout eu pour être heureux! Fronçant les sourcils, il croisa les bras, désorienté par ce qu'il lui révélait au fur et à mesure.

"Mais bordel, quels coups durs, Saga?"

Mais très vite, il eut la réponse à toutes ses questions ou presque, quand il vit le visage de son ancien ami se décomposer.

"Ils sont morts mes parents. Un accident de voiture, pendant mes études. Je n'ai pas tout abandonné pour rien."

Il le regarda totalement stupéfié. S'il s'était attendu à ça... Et d'un coup, il se sentit très con, et se traita mentalement d'imbécile. Il avait bien du remuer le couteau dans la plaie avec son allusion à ses parents... Une fois remis de sa surprise, il s'avança alors vers lui, hésitant, avant de s'accroupir devant lui, posant ses mains sur ses genoux pour lui apporter un peu de réconfort. S'il le repoussait et lui criait de dégager, il comprendrait, en même temps.

"Saga... je suis désolé, je ne savais pas..." bredouilla-t-il, complètement confus. " Mais fallait pas te laisser sombrer comme ça... pourquoi t'as pas chercher à reprendre contact? Tu sais l'affection que je te portais. Je t'aurais logé si t'avais besoin en attendant. Je t'aurais aidé!"

Il savait l'amour qu'il portait à sa famille et se doutait du choc immense et de la douleur que ça avait du être pour lui. Mais jamais il n'aurait du affronter ça seul. S'il avait appris la mort de ses parents, il aurait tout fait pour le retrouver et s'assurer qu'il surmonte ça.

"C'est pas un truc que t'es obligé de mentionner dans tes CV. Et les combinis, les bars, ils s'en foutent, des études, du moment que tu présentes bien et que t'es sérieux. Alors... c'est pour ça que t'as cessé de me donner des nouvelles? T'as pas pensé que j'aurais pu t'aider à pas t'enfoncer là-dedans?"

"Je n'arrivais même pas à vivre par moi même, comment aurais-tu voulu que je reprenne contact avec toi? On n'a perdu le contact bien avant en plus, je n'avais même plus ton numéro."

C'était la deuxième fois en quelques jours qu'il était obligé de remuer ce passé qu'il essayait d'enterrer et ça ne lui réussissait pas. Avec les années, il avait pu faire son deuil et passer outre mais, en reparler, ce n'était pas une bonne chose.
Tora s'avança, posant ses mains sur ses genoux en s'agenouillant et Saga baissa les yeux sur lui.

"Saga... je suis désolé, je ne savais pas... Mais fallait pas te laisser sombrer comme ça... pourquoi t'as pas chercher à reprendre contact? Tu sais l'affection que je te portais. Je t'aurais logé si t'avais besoin en attendant. Je t'aurais aidé!"

"Je te l'ai dis, je n'étais plus conscient de rien. J'ai passé un an sous antidépresseur à l'hôpital, contacter quelqu'un était bien la dernière chose à laquelle j'aurais pu penser."

Il soupira, regardant Tora dans les yeux.

"Ca va mieux. Vraiment. J'ai fais le deuil, je m'en suis remis. Mais ça fait deux fois que je dois ressasser mon passé, j'ai un ami de fac qui a débarqué l'autre jour et qui m'a posé les mêmes questions. C'est difficile, mais ça va aller."

"Je n'arrivais même pas à vivre par moi même, comment aurais-tu voulu que je reprenne contact avec toi? On a perdu le contact bien avant en plus, je n'avais même plus ton numéro."

Le visage de Tora s'assombrit légèrement. Lui, il avait toujours gardé son numéro. Il ne savait pas si c'était encore le bon, et il n'avait jamais eu le courage de le contacter de lui-même. Mais au moins l'avait-il conserver. Après, il comprenait l'état dans lequel il avait du se trouver suite à la terrible nouvelle, et ne pouvait lui en vouloir.

"Je te l'ai dis, je n'étais plus conscient de rien. J'ai passé un an sous antidépresseur à l'hôpital, contacter quelqu'un était bien la dernière chose à laquelle j'aurais pu penser."

"Ne t'en fais pas, je comprends" murmura-t-il doucement, caressant l'un de ses genoux de son pouce. "J'imagine que ça n'a pas du être facile pour toi. Je suis désolé, de ne pas être venu moi-même prendre des nouvelles. Plus d'une fois j'ai voulu, je t'assure. Mais je pensais que... tu m'avais oublié." avoua-t-il en grimaçant.

Saga finit par soupirer, sa colère semblant s'être dissipée, et leur regard se croisa.

"Ca va mieux. Vraiment. J'ai fais le deuil, je m'en suis remis."

Tora soupira, soulagé à cette nouvelle. De toute manière, deuil terminé ou pas, il allait garder un oeil sur lui maintenant. Il esquissa alors un petit sourire, pour lui montrer son soutien et sa compassion.

Mais ça fait deux fois que je dois ressasser mon passé, j'ai un ami de fac qui a débarqué l'autre jour et qui m'a posé les mêmes questions. C'est difficile, mais ça va aller."

"Oh... Je vois..."

Il détourna son regard et se releva, reculant de quelque part. ça lui faisait bizarre, d'entendre Saga lui dire ça. C'était idiot, mais il s'était toujours imaginé avoir été son meilleur ami de toujours. Mais apparemment, à la fac il s'était fait un nouvel ami, l'avait remplacé, et avec donc coupé les ponts avec lui. Tout s'expliquait. Finalement, il n'avait peut-être pas besoin de son aide, étant donné qu'il avait déjà cet "ami" qui s'inquiétait pour lui. Eux, ça faisait bien plus longtemps qu'il ne s'étaient plus vu. Il n'était plus au goût du jour, se fit-il amèrement la remarque.

"Je vais te laisser alors..." finit-il par décréter après un temps de silence embarrassant. "J'ai du boulot en bas."

"Ne t'en fais pas, je comprends. J'imagine que ça n'a pas du être facile pour toi. Je suis désolé, de ne pas être venu moi-même prendre des nouvelles. Plus d'une fois j'ai voulu, je t'assure. Mais je pensais que... tu m'avais oublié."

"J'tai pas oublié... J'ai changé de téléphone, j'ai perdu mes numéros... Mais j'aurais jamais pu oublier mon premier et meilleur ami..." répondit-il avec un petit sourire.

"Oh... Je vois..."

Tora se releva sur ces mots, reculant un peu. Un silence se fit dans la pièce, avant que le barman ne reprenne, d'un ton un peu hésitant.

"Je vais te laisser alors... J'ai du boulot en bas."

"Ah... Ok. J'imagine que moi aussi, de toute façon..."

Il se passa une main dans les cheveux et se releva. Théoriquement, il ne devrait pas voir débarquer une troisième personne, il n'avait eu que deux proches amis dans sa vie et ils venaient tous deux de réapparaître, plus trop de risques...

"De toute façon, on va se revoir souvent. Tu loges ici ?"

"Ah... Ok. J'imagine que moi aussi, de toute façon..."

Tora ne put s'empêcher de froncer le nez à ces mots. Imaginer Saga avoir "du travail", ça le répugnait un peu. Surtout à se rappeler que sa première fois, c'était lui qui lui avait donné. Et que cette fois là, et celles qui avaient suivies, ils avaient été très doux l'un envers l'autre dans leur étreinte. Alors imaginer son ami d'alors faire la salope avec des inconnus, il avait beaucoup de mal.

"Rassure-moi, tous ces mecs là, tu les ramènes pas dans ta chambre ici? Vous avez des chambres spéciales pour ça, non?"

Saga se leva, et Tora partit vers la porte, l'entrouvrant avant de se retourner à sa question, secouant la tête négativement.

"De toute façon, on va se revoir souvent. Tu loges ici ?"

"Non. J'ai pas voulu. J'ai un appart' à cinq minutes à pied d'ici, j'avais aucun intérêt de le lâcher, je m'y sens bien."

Il sourit alors tristement, posant son regard sur le châtain qui s'était rapproché de lui pour sortir.

"Et ouais... pendant tout ce temps, on était tout proche l'un de l'autre... et on ne le savait même pas..."

Il ouvrit alors la porte en grand et sortit, attendant Saga pour qu'il le guide de nouveau dans les couloirs. Il n'avait pas envie de se perdre en route et tombé sur l'un des employés. Pas qu'il ait peur de se faire violer, mais presque.

"Rassure-moi, tous ces mecs là, tu les ramènes pas dans ta chambre ici? Vous avez des chambres spéciales pour ça, non?"

"Oui, heureusement. C'est notre logement ici, ça n'a rien à voir avec le boulot."

"Non. J'ai pas voulu. J'ai un appart' à cinq minutes à pied d'ici, j'avais aucun intérêt de le lâcher, je m'y sens bien."

"T'as raison. Restes-y. Les studios ici sont bien, mais se couper du travail, c'est essentiel. J'aimerais bien pouvoir reprendre un appart dehors."

Il commençait à avoir suffisamment de côté. A force de ne rien dépenser grâce au logement payé, il arrivait à économiser, même si c'était parfois difficile.

"Et ouais... pendant tout ce temps, on était tout proche l'un de l'autre... et on ne le savait même pas..."

"C'est vrai..." murmura-t-il en soupirant. "Eh bien... Peut-être qu'on pourra rattraper le temps perdu."

Il ne réagissait pas comme avec Kouki, mais après réflexion, il se rendait bien compte qu'il avait eu tort vis à vis de lui. S'il le recroisait, il ferait en sorte de s'excuser. Avoir des amis pour l'épauler, ça ne pourrait pas lui faire de mal et ça l'aiderait à terminer de se reconstruire.

Ils sortirent de la chambre de Saga ensemble, ce dernier le raccompagnant au bar.

"Eh bien... Bonne soirée. Je passerais au bar ce soir, de toute façon."

Il ne s'attarda pas plus, remontant vers les chambres. Son salaire, il ne le gagnerait pas en discutant avec Tora, malheureusement...

"T'as raison. Restes-y. Les studios ici sont bien, mais se couper du travail, c'est essentiel. J'aimerais bien pouvoir reprendre un appart dehors."

Plus que de prendre un appartement ailleurs, Tora espérait qu'un jour il changerait de travail. Il restait convaincu que maintenant il pourrait facilement se trouver quelque chose ailleurs. Une fois qu'il aurait trouvé lui-même un boulot de barman dans un autre bar que celui-ci - car il comptait bien que le Velvet ne soit qu'une transition le temps qu'il trouve autre part - il pourrait toujours essayer de le faire rentrer en tant que serveur.

"Eh bien... Peut-être qu'on pourra rattraper le temps perdu."

Tora fit la moue. Après ces retrouvailles mouvementées, il doutait que tout puisse redevenir comme avant, comme si le temps s'était figé entre leur dernier appel et maintenant. D'autant plus que ce Saga là n'était plus celui qu'il avait connu. Mais ne voulant pas blesser son ancien ami, il haussa simplement les épaules, lui adressant un petit sourire forcé.

"Peut-être..."

"Eh bien... Bonne soirée. Je passerais au bar ce soir, de toute façon."

Le barman ne savait pas bien ce qu'il devait lui souhaiter, une bonne soirée également, ou un bon travail, quoique cette idée le fasse frissonner de dégoût, aussi préféra-t-il ne rien dire. Il espérait d'ailleurs ne pas le voir au bar au bras d'un de ses clients en train de se pavaner devant lui. Reprenant sa place derrière le comptoir, il lui sourit cependant.

"Merci. A toute!"

Il le regarda s'éloigner avant de pousser un long soupir. Il avait besoin de se remettre de ses émotions et de réfléchir calmement à tout ça. Il se servit alors un grand verre de whisky agrémenté de glaçons et s'installa sur un tabouret haut, les yeux perdus dans le vide.

"Peut-être..."

Tora ne semblait pas convaincu. Mais lui non plus en fait. Il le voyait bien, Tora n'acceptait pas ce qu'il était devenu, ils avaient évolués dans des directions totalement opposées et Saga aurait du mal à être naturel vis à vis de son ancien meilleur ami. Il allait le côtoyer tous les jours, et pas sûr que ça renforce leurs liens. Tora n'avait manifestement pas envie de retrouver leur relation d'avant, contrairement à Kouki.

"Merci. A toute!"

Saga s'éloigna à grands pas vers les chambres, un client habitués l'attendant justement devant la pièce qu'ils occupaient habituellement ensemble. Saga se composa un sourire séducteur et ouvrit la porte, la verrouillant derrière eux. Que ça lui plaise ou non, il devait bien travailler...

Au bar, Reika venait de voir revenir Tora. Derrière le comptoir, il le vit s'installer sur un tabouret après s'être servi un whisky.

"Un problème?" demanda-t-il en terminant de mélanger deux alcools pour le cocktail d'un client.

Il l'emmena à la table, s'inclinant doucement devant le consommateur avant de revenir près de son nouveau collègue.

"Un problème?"

Tora contempla son verre, pensif, faisant tournoyer le liquide ambré. Reika revenu à ses côtés, il murmura tout regardant les glaçons s'entrechoquer:

"Tu réagirais comment, toi, si t'avais perdu contact avec ton meilleur ami d'enfance, avec qui t'as quand même vécu énormément de choses, et que dix ans plus tard, tu tombais par hasard sur lui et que tu découvrais que c'est devenu une pute?"

Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il avait retrouver Saga et qu'il allait être amené à le côtoyer tous les jours. Dans cet environnement.

"Tu réagirais comment, toi, si t'avais perdu contact avec ton meilleur ami d'enfance, avec qui t'as quand même vécu énormément de choses, et que dix ans plus tard, tu tombais par hasard sur lui et que tu découvrais que c'est devenu une pute?"

Reika resta silencieux une seconde, hésitant.

"Eh bien... Je suppose que j'essaierais de comprendre comment il en est arrivé là et que je tenterais de l'aider..."

Reika soupira. Après Kouki, voilà que Tora aussi, rencontrait le même souci. Tous les nouveaux arrivants connaissaient Saga?

"Tu n'es pas le premier que ça dérange... Il y a quelque jours, un type que Saga a rencontré à la fac est venu. Lui, il s'est fait jeter par Saga, il a refusé de lui parler. Au moins toi, tu as pu avoir un semblant de conversation avec lui..."

Il encaissa un client, le remerciant en le regardant monter vers les chambres, avant de reprendre :

"Qu'est ce que tu veux, toi? Renouer avec lui? Ou sa situation te dérange vraiment?"