Tora

Tora avait toujours mené une vie légèrement hors des sentiers battus, mais somme toute assez tranquille.

Jeune, ce n’était pas un enfant à problèmes, mais pas non plus un bon élève. Il avait des notes moyennes, séchait les cours de temps à autre quand  il trouvait mieux à faire, comme traîner avec une bande de potes, et ça pouvait lui arriver de se battre occasionnellement. Mais à part ça, c’était un élève lambda. Il avait son groupe d’amis, il aimait sortir, faire la fête, boire, avoir du sexe, comme n’importe quel jeune de son âge. Et ses parents, qui n’étaient pas du genre stricts, ne le considérant pas comme un mauvais garçon tant qu’il n’attirait pas les ennuis, étaient assez tolérant quant à son mode de vie.

Depuis tout jeune, il avait un ami qui l’accompagnait fidèlement dans ce long parcours de la vie, du nom de Saga. Ils s’étaient rencontrés grâce à leur passion commune pour la musique – Tora jouait de la guitare – et rapidement les deux garçons avaient sympathisés et étaient devenus inséparables.  Ensemble, ils avaient tout fait. C’était avec lui qu’il avait eu toutes ses premières fois, faisant leur apprentissage de la vie ensemble. A deux, tout était plus rassurant, et plus marrant aussi. Même sa première relation sexuelle, ça avait été avec lui. Il ne savait pas très bien comment c’était arrivé d’ailleurs. Ils n’étaient pas amoureux. Ils avaient sans doute un peu trop bu ce jour-là, et une chose en amenant une autre, ils avaient eu envie de découvrir de nouvelles expériences.

Mais les années passant, malgré les tentatives pour garder contact, les deux amis se perdirent de vue. Saga avait décidé de poursuivre son rêve et s’inscrire dans une école de musique à Kyoto tandis que Tora, sans grands projets, restait à Tokyo. S’il voulait trouver du travail facilement, c’était bien dans la métropole qu’il fallait tenter sa chance. Au début, ils continuèrent de s’appeler régulièrement,  puis les appels s’espacèrent, jusqu’au jour où ils perdirent contact.

N’aspirant pas à une grande carrière, Tora ne s’était pas lancé dans quelques études supérieures que ce soit. Et contrairement à Saga, il ne pensait pas pouvoir vivre de la musique, qu’il préférait garder comme un passe-temps.  Après le lycée, il avait commencé à accumuler les petits boulots, cherchant sa voie tout en gagnant de l’argent. Ainsi travailla-t-il dans des combinis, diverses enseignes de restauration rapide, pour finalement se diriger vers les bars. Et c’est là qu’il trouva sa vocation. Il adorait être derrière le comptoir préparer toutes sortes de cocktails. De temps en temps, il lui arrivait aussi de prendre sa guitare pour jouer quelques airs. Et en parallèle, il animait quelques soirées en tant que DJ. Il se sentait terriblement à sa place dans ce monde de la nuit, entouré de boissons dans une ambiance festive.

Ça ne rapportait pas gros, mais il pouvait se payer un studio en plein cœur de Shibuya et vivre décemment, ce qui lui suffisait amplement. Il n’avait nulle famille à entretenir, en tant que célibataire aguerri. Quand il avait la vingtaine, il s’était épris d’une jolie demoiselle et avait filé le parfait amour avec elle de longues années, jusqu’à il y a environ quatre ans. Après six ans de relation, ils s’étaient alors séparés d’un commun accord en voyant que leur couple battait de l’aile. Depuis, il vivait de conquêtes rencontrées au détour de soirées lorsque le désir de passer la nuit dans les bras de quelqu’un se faisait sentir, sans plus jamais s’attacher sentimentalement.

Parfois, il repensait à Saga et se demandait ce qu’il était devenu. Apparemment, il n’avait pas réussi à percer dans le monde de la musique, car il avait beau se tenir au courant des groupes en plein essor, jamais il ne l’avait vu dans aucun d’entre eux. Il se sentait triste pour lui, se rappelant combien cela lui tenait à cœur, et s’interrogeait sur sa vie actuelle. Mais il n’avait jamais eu le courage de prendre son téléphone et lui renvoyer un message après toutes ces années. Qu’aurait-il pu lui dire ? Si ça se trouve, il l’avait même oublié.

Ces derniers temps à Tokyo, beaucoup de bars étaient amenés à mettre la clé sous la porte face à la rude concurrence. Tora en fut directement touché,  se voyant licencié pour réduction d’effectifs. Et cela faisait déjà plusieurs mois qu’il cherchait un nouveau poste désespérément, quand il tomba sur une annonce du Velvet Lust en quête d’un nouveau barman. Se renseignant aussitôt sur l’enseigne, il fit la grimace en voyant qu’il s’agissait d’un bordel. Il n’était pas adepte de ce genre de maisons, ne comprenant pas comment on pouvait en venir à offrir son corps à des inconnus à répétitions. Cette industrie du sexe le répugnait. Mais il avait besoin d’argent de manière assez urgente et mit donc ses réticences de côté, envoyant sa candidature sans tarder.

Quelques jours plus tard, Yoshiki le recevait pour un entretien. A la fin de la semaine, il recevait un appel l’informant qu’il commencerait la semaine suivante.

Tora est quelqu'un de très simple et franc. Quand quelque chose ne va pas ou le dérange, il en fait part à la personne concernée. Il n'aime pas les embrouilles et les malentendus et essaye toujours d'arranger les choses calmement, même s'il lui arrive d'avoir des accès de colère. Mais il essaye toujours de prendre sur lui pour ne pas se défouler injustement sur des innocents.
C'est quelqu'un de sérieux au travail, qui fait le boulot qu'on lui demande sans rechigner. Il aime faire la fête et s'amuser, ne refusant jamais de boire un verre, ou deux, ou plus.
Il a cru en l'amour, mais la vie en a décidé autrement, sa rupture lui laissant un goût amer. A présent, plutôt que de s'engager, il préfère les relations sans lendemain, quelque peu réticent à l'idée de revivre la douleur d'une séparation.