Cazqui

Rien n’avait prédestiné Cazqui à faire un jour partie du Velvet

Plus jeune, Cazqui avait été un enfant tout ce qu’il y avait de plus normal. Elevé dans une famille ordinaire, aimé de ses parents selon un juste milieu, sans être livré à lui-même ou choyé à l’extrême. C’était un élève moyen qui ne brillait pas d’excellence mais était tout de même loin d’être en queue de classe. Il avait quelques amis, juste ce qu’il fallait pour être épanoui. Bref, une vie des plus banales.

Tout avait basculé alors qu’il avait à peine 18 ans. Il était sorti un instant voir un ami malade qui habitait à deux pâtés de maison afin de lui apporter ses cours, étant donné qu’il avait été absent ce jour-là. Sur le chemin du retour, il avait été doublé par bon nombre de camions de pompiers, sirènes hurlantes, et c’est en grimaçant de compassion qu’il s’était dit que quelque drame avait dû avoir lieu dans le voisinage. Approchant de son quartier, il remarqua lors que c’était là que tous les camions affluaient, et bien vite il distingua une épaisse fumée noirâtre s’élever en colonnes dans le ciel.  Soudain pris d’un mauvais pressentiment, il pressa le pas. Et alors qu’il  tournait au dernier coin de rue, il fut saisi d’horreur en voyant où étaient stationnés les camions d’incendie. Il se mit alors à courir, priant de tout cœur pour que ce ne soit pas ce qu’il croyait. Non, ça ne pouvait pas être possible, il se trompait, c’était les voisins. Il fallait que ce soit les voisins…

Arrivé à hauteur des camions,  son sang se glaça en réalisant l’horrible spectacle qui se dressait sous ses yeux. Sa maison était en proie aux flammes. Hurlant le nom de ses parents et de son frère, il voulut se précipiter à l’intérieur malgré la chaleur épouvantable qui régnait mais fut aussitôt stoppé par les forces de l’ordre lui intimant de ne pas s’approcher. Et malgré ses efforts pour se débattre, il ne put qu’assister, fou de douleur et impuissant, aux efforts des pompiers pour éteindre les flammes.  

Trois jours plus tard, il assistait aux obsèques de sa famille.

Issu d’une famille d’enfants uniques qui avaient été enfantés tard, il n’avait malheureusement plus aucune famille. Et à 18 ans passés, il était en âge aux yeux de la loi de se débrouiller seul. Sans aucun domicile à présent, il logeait temporairement chez l’un de ses amis, mais il savait qu’il ne pourrait pas s’éterniser.  Mais ce n’était pas avec ses maigres économies qu’il allait pouvoir louer le moindre petit studio. Et le temps que les notaires s’occupent de l’héritage, il se retrouvait sans rien.

Ayant besoin d’argent, il commença à postuler dans tous les combinis du coin. Mais les salaires étaient bien maigres. S’il voulait gagner plus, il devait faire plus d’heures. Mais cela voulait dire empiéter sur ses heures de sommeil déjà considérablement réduites par le drame qu’il venait de vivre et qui le rongeait. Ou bien prendre sur ses heures de cours. Et c’est l’option qu’il choisit, arrêtant ses études.

Devenu l’ombre de lui-même, il s’était replié sur lui-même, n’adressant plus la parole à grand monde parmi ses anciens amis. Il avait fini par louer un studio ridiculement petit et minable, essayant de survivre comme il le pouvait. Et le peu d’argent qu’il pouvait économiser, il le dépensait dans de l’alcool pour oublier.

Rapidement, il ne tarda pas à tomber dans la débauche. Il errait dans les rues, le soir, trainant avec des gens peu fréquentables. Drogue, alcool, sexe, tel était son quotidien. Et cette vie dissolue ne joua pas en sa faveur puisqu’il ne tarda pas à être licencié, arrivant en retard, parfois saoul ou drogué, faisant fuir les clients.

N’arrivant pas à retrouver du travail et ne trouvant pas la motivation pour changer son rythme de vie, n’ayant aucun diplôme à faire valoir, il finit par se tourner vers les bordels de Kabukicho. Il en fit plusieurs, à la recherche des plus offrants. Et au bout de 6 ans d’activité dans le métier, il finit par tenter sa chance au Velvet. C’était l’un de ceux qui avaient la meilleure réputation, le meilleur salaire, et surtout qui offraient un logement sur place. Ce qui signifiait plus d’argent à mettre de côté pour encore plus satisfaire ses besoins d’addiction.

Depuis la mort de ses parents et de son frère, Cazqui a totalement changé de personnalité. L’enfant enjoué, serviable, gentil et sérieux qu’il était est devenu un jeune homme totalement renfermé, se confiant très peu aux autres, avec qui il est difficile d'avoir une vraie discussion cohérente. Il est souvent plongé dans son monde, sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue qui sont ses seules échappatoires à la profonde douleur qui lancine sa poitrine parfois, lorsqu’il se réveille en sursaut la nuit en voyant des flammes  meurtrières danser devant ses yeux. Il a d’ailleurs développé une réelle phobie envers cet élément.

Donner son corps à des inconnus ne le dérange pas. Au fond de lui, il n’est plus qu’une coquille vide, c’est du moins ainsi qu’il se voit, n’arrivant plus à ressentir quoi que ce soit de positif. Et de toute manière, ses substances illicites qu’il cache précieusement dans sa chambre l’aident à ne plus penser à la réalité de sa vie.